Modes alternatifs de règlement des conflits; Droit collaboratif
Maître Virginie Iriarte, Avocat à Balma | Barreau de Toulouse

Le droit est en constante évolution et les techniques de règlement des conflits aussi. Dans un contexte de déjudiciarisation du contentieux, notamment familial, la pratique a pu amener les avocats à réfléchir à de nouveaux modes alternatifs de règlement des conflits, ou MARC en abrégé.

C’est mon cas, d’où ma formation en droit collaboratif.

Pourquoi ? Car au fil des ans, je suis arrivée au constat que l’avocat n’est pas un simple « guerrier» plaidant les dossiers de façon contentieuse (comme c’est souvent l’image qui lui est donnée), mais devient un « résolveur de conflits ».

Le droit collaboratif, la procédure participative et la médiation s’inscrivent dans ce mouvement.

Le droit collaboratif est un processus qui vient des Etats-Unis et du Canada et qui commence à se développer en France par l’intermédiaire du droit de la famille.

« Le droit collaboratif est une pratique du droit utilisant la négociation sur la base d’intérêts où les avocats sont engagés pour aider les parties à conclure une entente mutuellement acceptable. Les avocats et parties signent un contrat stipulant leur consentement à ne pas aller plaider de façon contentieuse devant les tribunaux. Les parties et les avocats travaillent en équipe. »

 C’est une méthode innovante de résolution des conflits dans laquelle les parties ont la libre initiative et la maîtrise de la procédure.

Seuls les avocats ayant suivi une formation spécifique peuvent intervenir et assister leur client durant un processus de droit collaboratif.

Le rôle des avocats collaboratifs est d’assister chacune des deux parties en leur apportant leurs connaissances juridiques et leur expérience.

Les parties décident de trouver elles-mêmes les diverses solutions de leur litige plutôt que d’en confier la résolution à une personne extérieure (juge, médiateur…), nécessairement moins bien placée pour en décider à leur place.

C’est un véritable travail d’équipe basé sur la communication.

Le but de ce procédé consensuel est de parvenir à une solution constructive et apaisante des différends dans le respect de l’autre.

L’accord trouvé entre les parties prend la forme d’une convention qui sera homologuée par le tribunal.

En matière familiale par exemple, cette solution bénéficie en premier lieu aux enfants en identifiant les besoins et motivations de chacune des parties et en apaisant ainsi les tensions.

Cela peut également amener à des solutions patrimoniales financièrement moins pénalisantes pour tous.
Il s’agit en effet de trouver la meilleure solution possible en prenant en compte l’ensemble des données et en en organisant les priorités.

Avec le droit collaboratif et la procédure participative, les parties recherchent une solution au delà du droit et du juge.

Quand mettre en place un processus de droit collaboratif ?

Les différends nés d’une séparation, qu’elle qu’en soit la forme (divorce, rupture de concubinage et de PACS) sont tout particulièrement concernés, mais il est possible d’avoir recours au droit collaboratif pour résoudre de nombreux litiges, touchant notamment, pour le droit de la famille, les  liquidations de régimes matrimoniaux, les successions…

Le droit de la famille n’est toutefois pas seul à être concerné par le droit collaboratif. Un tel processus peut également permettre de résoudre de façon consensuelle un litige en matière de droit des sociétés, de droit commercial, plus généralement en matière contractuelle, un litige touchant à un conflit de voisinage etc.

A qui s’adresse ce processus ?

A toute personne ayant la volonté de résoudre autrement le litige, de choisir la manière dont elle souhaite y mettre un terme, et surtout en définissant elle-même, avec l’autre partie, la solution au différend les opposant, sans qu’une décision tranchée par un juge lui soit imposée.

Quels sont les avantages d’un tel processus ?

Un accord réel et durable :

Un jugement imposé ne tranche parfois, souvent, qu’une partie d’un problème. En cas de séparation, notamment, les problèmes sont souvent multiples et loin d’être réglés par une unique décision judiciaire.

Le processus de droit collaboratif, quant à lui, permet de résoudre le litige dans sa globalité, ce qui permet d’avoir plusieurs fois recours à un juge, comme il arrive fréquemment.

Un accord choisi et construit pour les parties et par les parties :

En outre, chaque partie intervient activement durant tout le processus et reste ainsi maîtres de son déroulement et de sa solution, permettant ainsi de faire naître un véritable accord établi « sur mesure » par les parties elles-mêmes.

Chaque partie écarte ainsi le risque d’une décision judiciaire, imposée par le Juge, et qui n’est parfois satisfaisante ni pour l’une, ni pour l’autre.

L’accord né d’un processus collaboratif a toutefois la même force qu’un jugement, puisqu’il est soumis à l’homologation du juge, qui lui confère ainsi force exécutoire.

Un accord établi dans un cadre d’un processus sécurisé et sécurisant :

Tous les intervenants, avocats et clients, travaillent ensemble à  la résolution amiable du litige, en toute transparence, dans une réelle collaboration constructive. Les litiges faisant l’objet d’un tel processus rencontrent majoritairement le succès et sont ainsi amiablement et durablement résolus, à la satisfaction des deux parties.

Si le processus devait toutefois échouer, aucun des avocats collaboratifs ne peut plus assister son client dans la procédure contentieuse qui suivrait. Il n’y a en outre aucune possibilité d’utiliser les pièces échangées durant le processus collaboratif devant les Tribunaux.

Comment cela fonctionne-t-il ? Est-ce long ? Est-ce onéreux ?

Ce sont les parties qui décident du nombre de séances, en prenant en compte le nombre et l’importance des problématiques conflictuelles à résoudre, au cours desquelles une négociation raisonnée et constructive va permettre de faire naître un accord sage et durable.

D’une manière générale, il faut prévoir entre 4 et 6 réunions, soit environ 10 heures de travail d’équipe, qui peuvent se dérouler sur 2 à 6 mois, mais chaque cas est particulier et il faut rappeler que ce sont les parties elles-mêmes qui ont la maîtrise du processus.

Le coût d’un processus collaboratif n’est pas plus onéreux qu’une procédure contentieuse normale.

Il peut même être moins élevé car il évite souvent des frais annexes (huissier de justice, frais de procédure, etc.) et permet en outre, dans la très grande majorité des cas, de n’avoir plus recours au juge par la suite, permettant ainsi l’économie de frais supplémentaires (nouveaux honoraires d’avocat, recours à un huissier de justice et frais de procédure).

Il fait l’objet d’une facturation au temps passé, le taux horaire étant de 200 € HT*. 

*taux retenu par l’Ordre des Avocats du barreau de Toulouse en cas de contestation d’honoraires.

Enfin, quelle est la différence entre droit collaboratif , droit participatif  et médiation?

Droit collaboratif et médiation:

La médiation met en présence les deux parties et un médiateur: il s’agit d’un relation triangulaire où le médiateur est neutre.

Le droit collaboratif met en présence deux binômes: chaque client et son conseil: l’avocat reste le défenseur des droits de son client; il n’a pas une posture neutre.

Droit collaboratif et procédure participative:

Si le Droit Collaboratif est issu de la pratique mise au point par un Avocat Américain, la Procédure Participative est régie par le Code civil (art. 2062 et suivants et 2238). Ces deux processus se ressemblent sans pour autant se confondre.

En effet, tout avocat peut faire du droit participatif, sans aucune formation particulière, alors que seuls les avocats spécifiquement formés peuvent intervenir au cours d’un processus collaboratif, lequel ne s’improvise pas et requiert la maîtrise d’une méthode et des outils.

En outre, si le processus participatif échoue, les avocats peuvent rester le Conseil de leur client durant la procédure contentieuse qui suit et en conséquence, pourront utiliser les informations et pièces divulguées durant les échanges. Les parties ne peuvent donc pas être certaines de la sincérité complète et totale l’une de l’autre. Cela ressemble d’avantage à des négociations préalable à une procédure judiciaire, avec tous les risques et incertitudes inhérents à ces pourparlers.

Le droit collaboratif, quant à lui, implique obligatoirement le retrait de tous les avocats, en cas d’échec du processus. Les informations et pièces échangées ne pourront donc être utilisées durant le procès, garantissant ainsi un cadre sécurisé à toutes les parties.

Il convient de préciser enfin, que très souvent, compte tenu de la reprise de dialogue entre les parties, il n’est plus du tout envisagé par les parties une procédure judiciaire contentieuse, comme cela aurait été le cas avant le processus. Le retrait de l’avocat est donc rare.